Cela
fait bien 35 ans que j’ai entendu les pins de Rome pour la première fois, et
ils me font toujours autant d’effet. Alors j’ai voulu le connaître un peu
mieux.
Deux et seulement deux œuvres (45 minutes de musique
en tout) ont rendu ce compositeur célèbre. Il s'agit de 2 "tableaux"
ou "poèmes symphoniques" dont à vrai dire surtout le deuxième est
connu, bien que les musicologues mettent le premier à égalité.
- Les fontaines de
Rome, en 4 tableaux: la fontana di Valle Giulia all'alba, la fontana
del Tritone al mattino, la fontana di Trevi al meriggio, la fontana di villa
Medici al tramonto.
- Les pins de Rome,
aussi en 4 tableaux: I pini di villa Borghese, pini presso una catacomba, i
pini del Gianicolo (avec oiseau obligé !), i pini della via Appia.
Respighi a écrit bien
d'autres œuvres, en particulier les suivantes (cf. http://www.classical.net/music/comp.lst/respighi.html)
:
- En plus des deux
pré-cités, il y a un troisième poème romain, les Fêtes romaines,
composé ultérieurement, et, dit un critique, sous l’influence mussolinienne.
Les Fêtes romaines restent dans le style des deux poèmes ci-dessus.
- Il y a aussi d’autres
poèmes symphoniques, que je n’ai pas eu l’occasion d’écouter.
- Des œuvres dans le style
ancien. Elles n'ont rien à voir avec ses poèmes symphoniques. Il s'agit en fait
d'airs effectivement anciens, recomposés et orchestrés, comme pour leur donner
une autre expression. Le soin et les effets qu’il y a apportés semblent montrer
au moins l’attirance de Respighi pour la musique ancienne de son pays. Mais
peut-être y a-t-il quelque chose de pas très naturel dans sa démarche.
Peut-être est-ce comme lorsqu’on joue du théâtre classique, ou encore la
Tétralogie, en costumes modernes … Le fait est que, en ayant écouté
quelques-uns, rien ne m'y a véritablement "accroché".
Il y en a d'autres. J'ai
trouvé récemment une sonate pour violon et piano. C’est encore un autre style,
adapté naturellement à cette formation ; le langage se rapproche non moins
naturellement des productions similaires françaises notamment (Fauré, Franck…).
Il y a de la matière dedans, je l’ai écouté avec intérêt, sans toutefois être
sûr de vouloir la faire figurer dans ma discothèque…
Il a aussi écrit des opéras
dont un au moins est enregistré (Belphégor). Pas mon genre.
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Pour le moment, Respighi est donc pour moi
essentiellement l’auteur de la trilogie romaine que sont les fontaines,
les pins et les fêtes.
Pour ce qui est des fêtes, il s’agit
d’un ensemble de 4 poèmes enchaînés, comme les deux autres ensembles, et de
mêmes proportions. Il est considéré comme inférieur aux autres poèmes romains,
et à la 1e audition j’étais tenté de partager cet avis. En fait
l’atmosphère de fête y est souvent poussée jusqu’à une caricature qui ne manque
pas de crudité ; la couleur orchestrale « péplum » y est encore
plus poussée que dans les autres, ce qui me fait penser que cette œuvre est à
prendre à moitié au 2e degré. Par ailleurs, on y entend avec plaisir
des citations d’airs populaires. Enfin, l’une de ces fêtes, il giubileo, possède un climat de
mystère et un crescendo-decrescendo bien dans la manière de Respighi, qui
l’égalent par exemple à presso una catacomba.
On trouve maintenant en disque la trilogie romaine
au complet, et il est plaisant d’écouter les trois dans leur ensemble.
Pour revenir aux deux plus célèbres
"poèmes" ou "tableaux", l'appellation "tableaux"
me paraît appropriée.
Tableaux impressionnistes pour les fontaines,
chacune représentée à un moment particulier de la journée, avec toute
l'ambiance qui peut aller avec.
Fresques historiques pour les pins,
comme si l'auteur faisait revivre un chapitre de l'histoire ancienne attachée à
chacun des lieux. 30 ou 35 ans après l'avoir entendu pour la 1e
fois, je ne me lasse pas de l'atmosphère dégagée par ces pins, et
l'apothéose du parcours de la voie appienne reste toujours aussi
époustouflante. Certes, dans le style « cortège », il est permis d’en
trouver d’un niveau plus subtil, par exemple, celui de Debussy dans le 2e
nocturne pour orchestre. Mais nous ne sommes pas là pour bouder ni même
mesurer notre plaisir. Les tableaux de Respighi sont un grand moment de l'art
orchestral.
Certains les trouveront peut-être superficiels, « chromo », ou pompiers. Et alors, quand ce le serait ! Si vous voulez une comparaison, je dirais que c’est de style « peplum »[1] ; il y a eu de très bons peplums ; italiens, justement. Ici, nous sommes en présence d’un « peplum » musical 20 ou 30 ans avant l’heure (composée dans les années 1910/1920).
Mais n’abusons pas des parallèles entre arts différents. La musique n’est pas le cinéma.
J'aurais tendance à dire jusqu'à preuve du contraire
que l’on peut sans doute ne retenir de Respighi que la « trilogie
romaine ». Les pins sont plus connus ; toutefois ma préférence
irait aux fontaines, dont l'impressionnisme a plus de charme et de
subtilité que les grandes couleurs des premiers. Loin de moi l’idée de méjuger
des autres ; mais c’est un autre monde : toutes ses autres œuvres
sont tellement différentes de la trilogie, que l’on peut se demander si c’est
le même homme qui les a écrites.
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A propos de « tableaux », pourquoi ne pas écouter ces « tableaux symphoniques » en associant la musique à la vue ?
Ecouter les fontaines de Rome … en regardant des images de ces fontaines, chefs-d’œuvre artistiques (cliquer sur la photo pour agrandir).
Les fontaines de
Rome. Exemple: la fontaine de Trevi (imaginer les jeux d’eaux somptueux…):
Ecouter les pins de Rome … en regardant des images de pins romains, aux formes si caractéristiques.
Les pins de Rome.
(pour illustrer l’oiseau de i pini del
Gianicolo bien que la photo soit
villa Médicis):
[1] Au fait, toutes les pièces
et opéras « classiques » qui prennent leurs sujets dans l’Antiquité
gréco-latine, on ne les appelle pas « peplums » ; mais quelle
est au juste la différence, sinon que les uns sont du « théâtre »,
les autres du « cinéma » ? Ceci dit, seulement pour ne pas
catégoriser les genres trop vite avec l’arrière-pensée de décréter les uns plus
« nobles » que les autres….